Maître Honen recontrant Maître Shandao en rêves. |
Si Maître Hônen(1133-1212) n'est pas le premier religieux japonais à se tourner vers l'enseignement de la Terre Pure, par ses écrit et plus tard par ses disciples il fut celui qui "démocratisa" l'enseignement de la Terre Pure du Buddha Amida. Enseignement laissé par le Buddha Shakyamuni au pic du Vautour en Inde.
Ce moine, qui jouissait d'une haute popularité à Kyôto,aussi bien parmi la noblesse que parmi les gens du peuple, rédigea en 1198 une œuvre pour le compte de son protecteur laic Kujo Kanezane (à la demande de ce dernier): le senchakû-shû hongan nembutsu-shû(le recueuil sur le nembutsu selectionné par le vœu primordial) ou Senchakû-shû. Ce fut l'occasion pour le vieux maitre non seulement d'exposer à nouveau la doctrine lui venant du Maître Shan-Tao(613-681) mais aussi d'exposer les fondement d'une école indépendante du nembutsu et de réfuter, sûtras à l'appui, les critiques faites par les autres écoles bouddhiques à l'encontre de l'école exclusive de la récitation du nembutsu.
Affirmer sa singularité dans le paysage bouddhique nippon qui n'avais pas vu de changements institutionnels depuis des siècles était si original, que Hônen à la fin de son œuvre, fit une requête à kujo Kanezane en ces termes :
"Je vous en supplie : Une fois que vous aurez daigné lire ce texte, cachez le derrière vos murs, sans le laisser à votre fenêtre, de crainte qu'il ne fasse tomber les calomniateurs de la Loi dans les mauvaises destinées!"
Ce texte fut ne fut transmis qu'a une partie restreinte de ses élèves. Six disciples sur les 190 plus proches du Maître.
Voici un court extrait que j'affectionne particulièrement tiré du Chapitre XVI du Senchakû-shû, traduitet annoté par jérôme Ducor dans Le Gué vers la Terre Pure
Notez bien:
• 'Mida est la contraction de Amida, le Buddha Lumière infinie et Vie Infinie. Ce terme nous vient de maître Shandao.
• { En gras, ce sont les passages de maître Shan-Tao cité par Honen, le reste est de maître Honen}
• • •
... au moment d'organiser le texte du Sûtra des
contemplations qu'il commentait, Shandao reçut des signes sacrés et il
bénéficia des instructions d'un saint [apparu en rêves]. C'est après
avoir reçu l'aide sacrée de ce saint qu'il conçut la division de ce Sûtra.Il
présenta donc son ouvrage au monde comme un "commentaire certifié", et
les gens l'estiment effectivement comme un Sutra du Buddha.
En effet la conclusion de son commentaire dit:
"Je m'adresse respectueusement à tous les amis-de-bien doués d'affinités!
Je ne suis qu'un être ordinaire du cycle des naissances et des morts,
affublé d'une sagesse déficiente et superficielle! Comme l'enseignement
du Buddha est profond et subtil, je n'osais pas produire une
interprétation différente [des autres commentateurs]. Finalement,
j'exprimai mon sentiment en formant un vœu qui sollicitait une
vérification sacrée, ce que je fis en disant proprement dans mon cœur :
Namo! Je prends refuge dans l'ensemble des trois Joyaux qui
remplissent entièrement l'espace du plan de la Loi, dans le Buddha
Shakyamuni, dans le Buddha Amida, dans Avalokitesvara et
Mahâstamaprapta, dans la foule de l'océan des bodhisattva de cette terre
pure ainsi que dans toutes les caractéristiques de ses ornements!
Je voudrais maintenant extraire l'essence du sutra des contemplations
pour rectifier les anciens et les modernes*. Si cela correspond au
souhait de la grande compassions des buddha des trois temps [passé,
présent, futur] , du Buddha Sakyamuni et du Buddha Amida, puissé-je
obtenir de voir en rêves toutes les caractéristiques de ce domaine
évoquées plus haut !
Ayant formulé ce vœu devant une image du Buddha, je fis encore le
vœu d'appliquer mon cœur à réciter le Sûtra d'Amida trois fois par jour
et de commémorer trente mille fois le Buddha Amida.
Le soir même,
toutes les caractéristiques de ce domaine se manifestèrent entièrement
dans le ciel, en direction de l'ouest. Des montagnes de joyaux aux
couleurs variées, par centaines de milliers! Des rayons de toutes
espèces qui tombaient en brillant sur le sol, lui-même semblable à de
l'or ! Au milieu se trouvaient des Buddha et des bodhisattva, les uns
assis, les autres debout; certains parlaient, d'autres étaient
silencieux; les unes exerçaient leur dextérité, et les autres restaient
immobiles. A cette vue je demeurai debout les mains jointes en
contemplation, assez longtemps, jusqu’à ce que je m'éveille. Une fois
réveillé, je ne pus maîtriser ma joie et j'organisai aussitôt l'économie
[du Sutra des contemplations]**
Dans mes rêves des soirs suivants, il y avait toujours un religieux pour me transmettre la division de mon chapitre du Sens profond**; mais je ne le revis plus après avoir terminé ce chapitre.
Plus tard, le livre achevé, j'appliquai derechef mon cœur en me fixant
une semaine ou, chaque jour, je réciterais dix fois le sûtra d'Amida et
commémorerais trente mille fois le Buddha Amida, je contemplerai les
ornements de son royaume durant la première et la dernière veille. Je
pris refuge d'un cœur sincère, de la même manière que précédemment.
Le soir même, je vis trois meules qui tournaient toutes seules sur le
bord d'une route. Soudain, il y eut un homme qui venait à moi monté sur
un chameau blanc, et il m'exhorta: " Maître, vos effort vous feront
assurément naître en Terre Pure, mais ne reculez pas ! Notre Univers est
souillé et mauvais, et les souffrances y sont nombreuses. Ne vous
consolez pas dans les plaisirs du désir !" - Je répondis: " Je reçois
entièrement ce conseil d'un sage au bon cœur. Jusqu'à la fin de ma vie,
je ne me risquerai pas à produire de pensées d'indolence !"
Le deuxième soir , je vis le corps du Buddha Amida : de la couleur de
l'or véritable, il était assis sur un lotus d'or, sous un arbre fait de
sept joyaux. Dix religieux l'entouraient, assis chacun sous un arbre de
joyaux. Au-dessus de l'arbre du Buddha se trouvait suspendu un vêtement
céleste enroulé. Face à l'ouest, je contemplai tout cela assis, les
mains jointes.
Le troisième soir, je vis deux mats à bannières, qui paraissaient
très hauts, avec des bannières de cinq couleurs. Des voies partaient
dans toutes les directions et je n'y percevais aucun obstacle.
Ayant ainsi obtenu de voir tous ces signes, je m'arrêtai sans achever la
semaine [de pratique que j'avais initialement prévue].
J'avais fais le vœu de voir ces signes sacrés pour le profit des
êtres, et non pour moi-même.Ayant bel et bien obtenu des les voir, je
n'oserais pas les cacher: je les relate donc ici respectueusement à la
suite de mon commentaire, pour qu'ils soient entendus des générations
futures. Que cette relation fasse naître la foi chez les êtres animés
qui l'auront entendue ! Qu'elle fasse se tourner vers la Terre Pure de
l'Ouest les êtres conscients qui l'auront lue !
Ces mérites, je les dirige vers les êtres pour leur offrir ! Que tous
produisent la pensée de l'éveil et deviennent de véritables
amis-de-bien apparentés par la bodhi, se faisant face avec compassion et
se regardant avec l'œil du Buddha! Qu'ils se tournent pareillement vers
le royaume de Pureté et réalisent ensemble l'éveil de Buddha !
Ce commentaire ayant bel et bien été certifié par l'attestation que
j'avais demandée, pas une seule phrase, pas un seul mot ne doit y être
ajouté ou en être retranché ! Que celui qui veut le copier le fasse
entièrement comme d'un Sûtra ! Cela doit être su ! [T.37 1753, k.4,
p.278bc]
A y réfléchir sereinement, ce Commentaire du Sutra des
contemplations de Shandao est la boussole indiquant la Terre Pure de
l'Ouest, les yeux et les jambes du pratiquant ! Par conséquent celui qui
s'engage sur le parcours de l'Ouest doit absolument le respecter !
Qu'il considère notamment ce religieux qui transmettait à Shandao le
chapitre du Sens profond, chaque soir dans ses rêves. Ce religieux était
vraisemblablement la manifestation d'un corps d'adaptation de 'Mida :
on peut donc dire que ce Commentaire est un exposé transmis par 'Mida.
Bien plus, la tradition des grands Tang [i.e de la Chine] affirme
que Shandao était un corps de transformation de 'Mida : On peut donc dire
que ce texte est un exposé direct de 'Mida. D'ailleurs Shandao dit
lui-même : "Que celui qui veut le copier le fasse entièrement comme d'un
Sûtra !" Comme ces paroles sont vraies !
Si nous nous redressons respectueusement pour examiner sa nature
originelle, il est [Amida,] le souverain de la Loi des quarante-huit
vœux : selon l'appel de celui qui a parfaitement réalisé l'éveil voilà
plus de dix périodes cosmiques, il y a de quoi nous confier au
nembutsu.
Si nous nous penchons humblement pour nous interroger sur sa
manifestation , il est [Shandao,] le guide de la pratique exclusive du
nembutsu : selon les paroles de celui qui a reçu le samâdhi il ne
fait pas de doute que nous irons naître dans la Terre Pure. Bien que la
nature originelle et la manifestation diffèrent , leur enseignement ne
fait qu'un.
p.201-205 de 'Le Gué vers la Terre Pure - Senchaku-shû'
Traduit et annoté par Rev. Jérôme Ducor aux éditions Fayard.
Ici Maitre Honen cite Maitre Shandao qui relate un rêve dans sa conclusion de son Commentaire du Sutra des contemplations.
En espérant que cela ne posera pas de problèmes à Jérôme Ducor.
_________________________
Notes de Jérôme Ducor :
* Les commentateurs du sutra des contemplations refutés par Shandao dans son Commentaire comme Jingying Huiyuan, etc.
** Le traitement de l'économie de ce sutra par Shandao constitue l'un de ses apports les plus originaux: il lui permet de montrer que les contemplations ne sont que des moyens habiles et que le sens profond du Sûtra porte sur la pratique exclusive du nembtsu jaculatoire (cf. Ducor, Shandao et Hônen p.131-132)
*** le Sens profond est le titre du premier des quatre chapitres du Commentaire de Shandao, ou il dresse le plan de son ouvrage ainsi que les grandes lignes de son interprétation. Compte tenu de son importance, ce chapitre circula en Chine comme un texte indépendant.Les trois autres chapitres forment un commentaire suivi du texte du Sutra des contemplations.
Namo 'Mida Samyaksambuddhaya !
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